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jeudi 22 septembre 2016

596-LES DORMEURS DANS L'ART-1-(1450-1914)





Le Faune endormi, dit Faune Barberini, vers 220 av. J.-C.,
oeuvre hellénistique en marbre, H : 215 cm, restaurée par l'Atelier du Bernin au XVII° s.,
Munich, Glyptothek ;
le jeune homme est un faune ou satyre aviné, même si sa queue et ses oreilles animales sont discrètes.


Ariane endormie (abandonnée par Thésée), copie romaine, IIe s. après J.C., 
d'après un original hellénistique du IIIe - IIe s (Pergame ou Rhodes) 
marbre, H : 161,5 cm, L : 195 cm, Vatican, Musée Pio-Clementino.


- Anonyme, Hermaphrodite endormi, Rome, II° siècle ap. J.-C.,
oeuvre romaine, copie probable d'un original hellénistique, 169x89 cm, Paris, Musée du Louvre ;
oeuvre découverte en 1608 et confiée en 1619 au Bernin pour la réalisation du matelas ;
fils d'Hermès et d'Aphodite, Hermaphrodite, uni pour toujours au corps de la nymphe Salmacis
 dont il avait repoussé les avances, possède les attributs des deux sexes.




Des personnages vivants aux yeux clos : ce détail, riche de sens, évite de croiser le regard du personnage peint ou sculpté et évoque l'intériorité de ce dernier. 
Parfois il prie ou communique en songe avec Dieu (Jacob, Marie-Madeleine, Sainte Hélène), s'enferme dans la douleur de la rupture amoureuse (Ariane), ou paresse ou cuve son vin (Bacchus, bacchante, faune, servante).
Retiré de l'agitation du monde, de jour ou de nuit, il s'abandonne, se repose (de l'acte sexuel, du travail), songe (un instant suspendu) ou bien dort (sieste, nuitée). Son sommeil est parfois nourri de visions et de rêves (Jacob, Pays de Cocagne, Scipion l'Africain, Sainte Hélène), de prémonitions (Enfant Jésus) ou de cauchemars peuplés de monstres qui se révèlent au spectateur. D'autre fois, son sommeil est profond, durable et proche de la mort (Psyché, Endymion).

Le dormeur peut aussi bien être un homme, une femme, ou un enfant isolé et lorsqu'il est accompagné d'un ou de plusieurs autres personnages, ces derniers ont le plus souvent les yeux ouverts. 
Divinité mythologique ou chrétienne, héros ou personnage célèbre, figure allégorique (la Nuit, le Sommeil, le Rêve, le Silence, l'Acédie, la Paresse, la Luxure), portrait de l'être aimé ou autoportrait, le dormeur est nu ou vêtu, couché ou assis, dans un paysage ou un intérieur. Son sommeil l'expose et parfois le fragilise (Samson trahi par Dalila, Antiope désirée par Jupiter, Éros éclairé par Psyché, nymphe désirée par un faune, personnages qui sont la proie de monstres).

Le personnage nu évoque la Beauté idéale (Vénus, Hébé, Psyché, Éros, Mars, Endymion), offerte au regard et au désir (celui des autres personnages représentés mais également celui du spectateur) et l'Amour charnel (la Luxure), avant ou après l'acte sexuel (Vénus, Éros, Mars, Endymion, Antiope, faune, nymphe) mais également la quête du divin (Psyché) et l'espérance du Salut (Marie-Madeleine, Psyché, Endymion).

Tous ces thèmes perdurent jusqu'au début du XX° siècle et les artistes se nourrissent successivement des œuvres du passé. Les figures aux yeux clos ne sont-elles pas d'ailleurs une métaphore de la création, née du génie de l'artiste et de la passion pour son modèle ?

Parmi les centaines d’œuvres existantes, voici une petite sélection qui tient notamment compte des artistes au programme des options Arts plastiques facultative (Véronèse, Bill Viola) et de spécialité (Rodin).



- BOTTICELLI Sandro (1445-1510), Vénus et Mars, vers 1483,
tempera sur bois, 69x173 cm, Londres, National Gallery.


- RAPHAËL (1483-1520), Le Songe du chevalier, vers 1503-1504,
tempera sur bois, 17,8x17,6 cm, Londres, National Gallery ;
une représentation du rêve de Scipion l'Africain (général et homme d'état romain, vers 236-183 av. J.-C.)
avec le choix à faire entre la Vertu (Pallas) et la Volupté (Vénus).


- GIORGIONE (c.1477-1510) et TITIEN (1488-1576), Vénus endormie, c.1508-1510,
huile sur toile, 108,5x175 cm, Dresde, Gemäldegalerie Alte Meister.
Sur un thème mythologique, le tableau offre un grand nu couché et endormi sur des linges 
(la divinité de l'Amour et de la Beauté), au premier plan d'un paysage illusionniste.


- MICHEL-ANGE (1475-1564), La Nuit, vers 1526-1533,
marbre, L : 194 cm (?), figure gauche évoquant le passage du temps du Tombeau de Julien de Médicis,
accompagnée notamment d'une chouette et d'un masque tragique du rêve,
Nouvelle sacristie de la basilique San Lorenzo de Florence.


- BRUEGHEL L'Ancien Pieter (c.1525-1569), Le Pays de Cocagne, 1567,
huile sur bois, 52x78 cm, Munich, Alte Pinacothek.


- VERONESE (Paolo Calliari dit, 1528-1588), Allégorie de l'Amour (série de quatre tableaux), Le Respect, vers 1570-1575,
huile sur toile, 186x194 cm, Londres, National Gallery.

- VERONESE (Paolo Calliari dit, 1528-1588), Le Songe de Sainte Hélène, vers 1580,
huile sur toile, 166x134 cm, Vatican, Pinacothèque ;
la mère de l'Empereur Constantin voit en songe la Vraie Croix de la Crucifixion du Christ, qu'elle va retrouver.



- LE CARAVAGE (1571-1610), Madeleine pénitente, 1593-1594,
huile sur toile, 122,5x98,5 cm, Rome, Galleria Doria Pamphilj.

- LE CARAVAGE (1571-1610), L'Amour endormi, 1608,
huile sur toile, 71x105 cm, Florence, Palais Pitti.


- RUBENS Pierre Paul (1577-1640), Samson et Dalila, 1609-1610,
huile sur bois, 185x205 cm, Londres, National Gallery ;
épisode de l'Ancien Testament, Samson endormi, trahi par Dalila voit ses cheveux coupés
 (à l'origine de sa force surhumaine), avant d'être arrêté par les soldats philistins.

- RUBENS Pierre Paul (1577-1640), Psyché et l'Amour endormi, vers 1636,
huile sur bois, 26x25 cm, Bayonne, Musée Bonnat.
Psyché trahit Éros, en vérifiant l'aspect physique de son amant que ses sœurs assurent être un monstre ;
elle renverse malencontreusement une goutte d'huile chaude sur la peau d’Éros qui se réveille et disparaît.


- VAN DYCK Antoine (1599-1641), Jupiter et Antiope (amazone), vers 1620,
huile sur toile, 150x206 cm, Gand, Musée des Beaux-Arts.


- DE RIBERA José (1591-1652), Le Songe de Jacob, 1639,
huile sur toile, 179x233 cm, Madrid, Musée du Prado,
épisode de l'Ancien Testament où éclairé par Dieu, Jacob, endormi la tête sur une pierre, voit en rêve
 une échelle gravie par des anges et reçoit l'annonce divine de sa descendance nombreuse.


- VERMEER Johannes (c.1632-1675), Jeune fille assoupie, vers 1657,
huile sur toile, 87,6x76, 5 cm, New York, Metropolitan Museum of Art.


- WATTEAU Jean-Antoine (1684-1721), Nymphe et satyre, vers 1715-1716,
huile sur toile, 73x107 cm, Paris, Musée du Louvre.


- GREUZE Jean-Baptiste (1725-1805), Le Petit paresseux, 1755,
huile sur toile, 65x54,5 cm, Montpellier, Musée Fabre.


- FÜSSLI Johann Heinrich (1741-1825), Le Cauchemar (première version), 1781,
huile sur toile, 101,6x127,7 cm, Detroit Institute of Arts.

- FÜSSLI Johann Heinrich (1741-1825), Amour et Psyché, vers 1810,
huile sur toile, dimensions (?), Zürich, Kunsthaus. 
Éros sauve Psyché d'un profond sommeil dû à un baume ramené des Enfers.


- JULIEN Pierre (1731-1804), Ariane endormie, 1785,
marbre, 57,5 x 85 x 30 cm, Le-Puy-en-Velay, Musée Crozatier.


- GIRODET Anne-Louis (1767-1824), Le Sommeil d'Endymion, 1791,
huile sur toile, 198x261 cm, Paris, Musée du Louvre.
Le bel Endymion, amant de la déesse de la Lune, Séléné, obtînt de conserver sa beauté dans un sommeil éternel.

- GIRODET Anne-Louis (1767-1824), Psyché endormie, 1799,
huile sur toile, 54,3x95, 9 cm, Collection privée.


- GOYA Francisco (1746-1828), Femme endormie, 1790-1793,
huile sur toile, 59x145 cm, Madrid, Collection Mac-Crohon.

- GOYA Francisco (1746-1828), Le Sommeil de la Raison engendre des monstres, vers 1796-1797,
estampe n° 43  (eau-forte et aquatinte) sur papier de 22x32 cm, de la série des 80 Caprices (Los Caprichos), publiée en 1799 qui critique les vices de son époque (satire sociale et religieuse, caricature de l'ignorance et de la superstition) ;
autoportrait de l'artiste endormi tourmenté par des monstres de l'ignorance et de la folie,
un manuscrit du Prado commente cette gravure , "L'imagination sans la raison produit des monstres impossibles: unie avec elle,
 elle est mère des arts et à l'origine des merveilles".
"Les Caprices" seraient une version graphique des Songes et discours de l'écrivain satirique Francisco de Quevedo qui écrivit entre 1607 et 1635 une série de textes où il rêvait qu'il était en enfer, bavardant avec les démons et les condamnés.


- CANOVA Antonio (1857-1822), Endymion endormi, 1819-1822,
marbre, environ 93x183x95 cm, Chatsworth, Collection du Duc du Devonshire ;
Le bel Endymion, amant de la déesse de la Lune, Séléné, obtînt de conserver sa beauté dans un sommeil éternel.


- CHASSÉRIAU Théodore (1819-1856), Baigneuse endormie près d'une source, 1850, 
huile sur toile, 137 x 210 cm, Avignon, musée Calvet.


- INGRES Jean Auguste Dominique (1780-1867), Jupiter et Antiope, 1851,
huile sur toile, 32,5x43,5 cm, Paris, Musée du Louvre.


- COURBET Gustave (1819-1877), Les Demoiselles des bords de la Seine, 1856-57,
huile sur toile, 174x206 cm, Paris, Musée du Petit Palais.

- COURBET Gustave (1819-1877), Le Sommeil (Les Dormeuses, Paresse et Luxure ou Vénus et Psyché), 1866,
huile sur toile, 135x200 cm, Paris, Petit Palais.
L'artiste exécuta de nombreux nus couchés et endormis.


- MILLET Jean-François (1814-1875), Méridienne, 1866,
 crayon noir  pastel sur papier vergé, 29,2x42cm, Boston Museum of Fine Arts.


- PUVIS DE CHAVANNES Pierre (1824-1898), Le Sommeil, 1867,
huile sur toile, 381x600 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts.


- CARRIER-BELLEUSE Albert-Ernest (1824-1887), Hébé endormie, 1869,
marbre, 207x146x85 cm, Paris, Musée d'Orsay,
Hébé, fille de Jupiter (aigle) et Junon, est la divinité la Jeunesse ; elle sert l'ambroisie et le nectar au banquet des dieux.


- SOLOMON Simeon (1840-1905), Les Dormeurs, et celui qui veille, 1870,
huile sur toile, dimensions (?), Birmingham Museums and Art Gallery.


- REDON Odilon (1840-1916), Les yeux clos, 1890,
huile sur carton, 44x36 cm, Paris, Musée d'Orsay.
Ce visage (celui de sa femme Camille ou celui du Christ ?) fait référence aux sculptures de la Renaissance italienne, aux bustes de Francesco Laurana, et à la figure de L'Esclave mourant de Michel-Ange, exposé au Louvre, dont Redon avait commenté dans son journal le charme étrange des "yeux clos".
L'artiste a particulièrement affectionné les figures aux yeux clos comme allégorie du Sommeil, du Rêve, du Silence, de la Prière,
 aussi bien dans des portraits, des thèmes religieux (Christ), mythologiques, littéraires (Le Sommeil de Caliban tiré de La Tempête de Shakespeare), que dans des dessins, estampes et peintures.


- VAN GOGH Vincent (1853-1890), La Méridienne, janvier 1890,
 huile sur toile, 75x91 cm, Paris, Musée d'Orsay.


- ROUSSEAU Henri (1844-1910), La Bohémienne endormie, 1897,
huile sur toile, 129,5x200,7 cm, New York, MoMA.


- RODIN Auguste (1840-1917), Rose Beuret, vers 1898,
marbre pentélique, 51,5x41x38 cm, Paris, Musée Rodin.

- RODIN Auguste (1840-1917), Le Sommeil, entre 1889 et 1894,
marbre, 48x56x47,5 cm, Paris, Musée Rodin.


- BRANCUSI Constantin (1876-1957), Le Sommeil, 1908,
portrait de la baronne Renée Frachon, marbre,
photographie, Paris, MNAM.

- BRANCUSI Constantin (1876-1957), Muse endormie, 1909-1910,
bonze, 16x25x18 cm, Paris, MNAM.